Ce n’est pas une démission de parler de difficultés de prime abord, mais
pour résoudre la quadrature d’un cercle aussi vicieux que celui de la
réconciliation nationale en Guinée, avec la prolifération d’associations des
Guinéens qui s’accusent et qui s’attaquent de façon systématique, il faut se
lever tôt. Les choses n’ont fait que s’empâter et s’empiler les unes sur les
autres en laissant des strates distinctes, mais elles se sont imbriquées et
confondues intimement. Chaque régime en a fait dans la dentelle, à sa manière.
Comme les ordures qui ressortent des caniveaux avec les premières pluies, le
passé tumultueux des Guinéens leur retombe de nouveau dans les bras.
La somme des boomerangs est édifiante pour les héritiers : Dans la bible,
il est dit que « parce que les parents ont mangé les raisins verts que les
enfants ont eu les dents cariées ». Les Guinéens de demain sont-ils condamnés
rien qu’à recoudre le tissu social mis en lambeaux par les pères de leurs pères
?
La Révolution a, à son actif, après avoir fait capot le 26 mars 1984,
l’Association des victimes du Camp Boiro, il vient de naître l’Association des
Victimes de l’Agression du 22 novembre 1970. Ça fait vieux, mais les ardeurs se
rajeunissent. Le régime de Lansana Conté a enfanté l’Association des victimes
du 5 juillet 1985, du « coup Diarra Traoré ». Le CNDD a fait l’Association des
victimes du 28 septembre 2009, apparemment la plus active. Cette affaire est au
niveau de la CPI. Le régime actuel de « l’opposant historique » a auusi donné
naissance à l’association des victimes de Saoro, qui a eu pour conséquence
directe le drame de Womè, si l’on veut savoir. Faut-il s’attendre encore à la
naissance de l’Association des victimes des revendications politiques de rue,
que la question se pose ? De quoi donner le tournis aux religieux Monseigneur
Albert Gomez et l’Imam Mamadou Saliou Camara, qui ne savent à quel Saint se
vouer. Mais faut-il dire que la prolifération des associations qui revendiquent
tout en Guinée les dévalorise décrédibilise ?
Premier obstacle : Qui est bourreau, qui est victime ? Faire la justice de
tout les faits passés et présents est demandée à cor et à cri à l’actuel
régime, qui, lui-même, est épinglé, donc ça tombe bien mal. Le problème n’est
pas seulement que d’ordre sociopolitique, qui, à lui seul, constitue déjà un
gros dossier, d’autant que les victimes qui réclament justice se sont toutes
rangées dans la victimisation tribale et ethnique. On ne peut pas parler de
réconciliation en Guinée et éluder ou ne pas parler ouvertement d’ethnies ou
des ethnies qui la composent. En faire un tabou, c’est mettre la vérité sous le
boisseau et pratiquer la politique de l’autruche et la fuite en avant.
La réconciliation n’a été possible au Rwanda qu’en parlant et en faisant
parler les Hutus et les Tutsis. Les uns et les autres ont commis des crimes de
génocide et ils se sont dit la vérité face à face, pour se pardonner et vivre
ensemble. Et il semble qu’ils vivent dans la concorde, là-bas, et ils se
sentent bien. Cela doit l’être partout où le besoin de réconciliation véritable
se fait sentir pour le développement, pas pour autre chose.
Si, en Guinée, aucune entité ne fait son mea culpa, si tous les Guinéens se
croient victimes, il n’y aura pas de bourreaux, donc pas de réconciliation,
alors que les faits attestent qu’il y a eu bien de victimes et de bourreaux,
s’il n’y a pas autant de bourreaux que de victimes. C’est l’Histoire qui l’a
voulu, il faut l’assumer, parce que nul ne peut la refaire. Et parmi les
victimes innocentes, il y en avait qui se trouvaient parmi les coupables, ce
sont elles qui ont eu la tuile de se trouver au mauvais endroit au mauvais
moment, et elles ont été frappées par un coup de foudre, sans distinction.
N’est-ce pas cela que certains appellent « accident de l’Histoire » ? Mais un
accident de l’Histoire fait partie intégrante de l’Histoire. Il n’y a jamais eu
de cause sans effet et d’effet sans cause.
Dans cet obstacle où naissent les grandes hypocrisies, chaque côté tire la
couverture à soi et rejette tout sur l’autre. Cela peut donner du fil à
retordre à la commission de réconciliation, qui, soit dit en passant est
sujette à des doutes, quant à l’impartialité de certains de ses membres…
Séparer le bourreau de la victime est une tâche ardue, mais pas impossible.
Beaucoup de voix s’élèvent déjà pour récuser certains membres de ce comité de
réconciliation nationale. Donc, entre bourreaux, victimes et arbitres, les
choses sont floues pour compliquer les choses.
Le second obstacle est quasi-infranchissable : La clé de cet obstacle est
la restitution de tous les biens spoliés, confisqués sous la Révolution puis
réattribués à d’autres puis revendus aux sociétés et entreprises, chaque régime
a cherché à brouiller les traces. Certains héritiers voient avec la mort dans
l’âme les domaines et les biens meubles de leurs pères occupés par des
occupants innocents de deuxième ou troisième main, mais vus comme receleurs.
Comment faire ? L’Etat actuel doit rembourser les déshérités, sous l’obligation
et sous le sceau de la continuité de l’administration ? L’exponentielle
sera-t-elle gérable et réaliste ? On voit déjà des difficultés qui peuvent
jaillir entre la défense te la partie civile dans ce procès à emmanchements, à
imbrications et à ramifications interminables. Peut-être que les domaines
confisqués e qui sont restés dans le giron de l’Etat pourraient être des sujets
à tractation…
Le troisième obstacle est pratiquement infranchissable. On a parlé de 50000
victimes du Camp Boiro dissimulés et disséminés dans des charniers à identifier
sur tout le territoire. Ensuite, que chacun puisse retrouver un vieil os lui
appartenant relèverait d’une énorme gageure. Les analyses ADN, bien sûr,
prendraient on ne sait combien de temps et d’argent. L’objectif visé par le
gouvernement, à savoir une croissance à deux chiffres d’ici 2020 n’a pas prévu
des imprévus de ce genre, sans compter que le budget de fonctionnement de la
réconciliation national est aussi nécessiteux que celui de quel ministère-là,
et il n’y a aucune ligne solide de crédit à cet effet, à moins que…
Dans cette impasse, et au-dessus de tout, l’urgence est de chercher à faire
cohabiter et vivre les vivants de tous les bords politiques sous le même toit,
dans la transparence, pour ne pas en rajouter. Il faut d’abord diminuer la
rancœur et les adversités. Et cela est bien possible en vivant ensemble. Le
temps fera le reste. Le mal des Guinéens est encore vif parce que la blessure
est profonde. Il ne faut plus qu’il n’y ait que des Soussous, que des Peuls,
que des Malinkés, que des Forestiers qui soeint privilégiés les uns par rapport
aux autres. Cette balle, la gouvernance d'Alpha Condé doit la mettre en jeu :
La participation de tous au développement économique est le facteur de
reconciliation.
Source: Guineenews
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