Sékou Touré et l’émancipation des femmes.
Dans sa majorité, avant l’indépendance, la Guinée était une société conservatrice avec des rôles restreints attribués aux hommes et aux femmes. D’anciennes militantes du RDA présentent la situation de manière assez abrupte. Ainsi, pour Fatou Kéita, un ancien membre du RDA d’ethnie soussou : « Les femmes étaient des esclaves. Partout où il y avait plus de deux hommes, les femmes n’étaient pas autorisées à parler.
C’est Sékou Touré qui a apporté ce changement. Les socialistes et la BAG, les autres partis étaient jaloux. Ils disaient que toutes les familles seraient séparées, que les femmes divorcent de leurs maris si elles venaient à rejoindre des partis politiques. Mais les femmes étaient convaincues que leur participation à la politique était une bonne chose. Et la plupart rejoignirent le RDA.
Elles pensaient qu’envoyer leurs filles à l’école était une bonne chose et beaucoup envoyèrent leurs filles à l’école. »
La réaction des femmes fut très enthousiaste à cet appel du RDA. En 1954, rien qu’en Guinée Maritime, 6000 femmes étaient membres du parti et toutes les délégations et actions du parti comprenaient des hommes et des femmes.
L’élection législative de 1954 et l’insurrection civile En 1954, l’élection législative, manifestement truquée, élit Barry Diawadou à l’Assemblée Nationale.
Une vague de protestation envahit alors les manifestants du RDA et notamment ses membres féminins. Elles se manifestèrent à une grande échelle pour combattre cette injustice.
Comme elles l’avaient fait avant l’élection pour rassembler des femmes au sein du parti, les femmes guinéennes créèrent de nouvelles danses, chansons et slogans pour informer du trucage des élections et de leur nécessité de se mobiliser avec le RDA pour l’indépendance.
L’utilisation de danses et de chants pour communiquer était particulièrement efficace pour les militantes du RDA, dont beaucoup étaient illettrées, n’ayant pas reçu d’éducation occidentale. Les militantes firent aussi usage des réseaux de marchés où beaucoup d’entre elles travaillaient pour faire passer leurs informations et des cartes de membre du RDA.
Mafory Bangoura
Certaines femmes du RDA formèrent aussi de leur propre initiative, des milices 100% féminines qui provoquaient et attaquaient physiquement les membres de partis politiques rivaux.
La première chef de ces milices fut Mafory Bangoura, considérée comme la responsable de l’introduction des femmes dans le RDA.
La plus audacieuse de ces combattantes à être restée dans les mémoires était Nabya Haïdara, une métisse soussou-libanaise au comportement extrêmement guerrier et utilisant des sabres gravés à son nom.
Mafory Bangoura, mère-courage de la nation guinéenne
Les représailles, réaction et solidarité.
La rébellion des femmes du RDA contre la corruption de l’administration coloniale et des chefs traditionnels corrompus causa des craintes et des répressions de la part de cette dernière. De nombreux militants et militantes furent emprisonnés.
Les militantes redoublèrent alors d’ingénuité pour communiquer avec les membres du parti en prison.
Lorsqu’en janvier 1955, l’élection de Barry Diawadou fut confirmée d’un simple vote de la main à l’Assemblée Nationale Française, l’insurrection des militants du RDA s’intensifia.
Lors d’un terrible incident en 1955, bien qu’enceinte, la militante M’Balia Camara fut éventrée d’un coup de sabre par David Sylla, un chef de canton corrompu dont les militants du RDA avaient refusé de reconnaître l’autorité. Cet événement eût l’effet d’un catalyseur dans la lutte pour la lutte contre le colonialisme du RDA de Sékou Touré, qui était déjà devenu de très loin le parti le plus populaire de Guinée.
M’Balia Camara, martyre de l’indépendance guinéenne.
Bientôt, la France, débordée par des guerres d’indépendance dans ses colonies d’Indochine et du Maghreb, allait chercher à préserver son empire en octroyant davantage d’autonomie à ses colonies par le biais de la Loi Cadre (1956). En 1957, le RDA est élu à la tête du gouvernement guinéen et un an plus tard, devient le premier d’Afrique sub-saharienne à obtenir son indépendance de la France.
Ce combat, il avait été mené de fond en comble par des femmes guinéennes des classes populaires séduites par cette opportunité d’améliorer leur vie et celle de leurs enfants.
Pour arriver à ce but, elles s’étaient mues tour à tour en vendeuses, prospecteurs, danseuses, chanteuses, responsables de communication, artistes plasticiennes, espionnes, vigiles, gardes du corps, infirmières, combattantes de rues, prisonnières, femmes politiques.
En parallèle, elles avaient souvent laissé de côté leurs rôles traditionnels de mères de famille, mettant parfois en péril leurs couples.
A la suite de cet extraordinaire labeur trop souvent ignoré, elles sont souvent revenues à leurs rôles d’épouses, de mères et de grand-mères ayant accouché de ce qu’elles pensaient espérer de mieux pour leurs enfants : l’indépendance de leur pays la Guinée, et plus tard, de leur continent l’Afrique.
Une synthèse de Sékouba Kourouma
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