Aucun journal publié, silence ou musique
seule à l'antenne, photo d'El Hadj Mohamed Diallo à l'écran et sur les pages
d'accueil de sites d'information: mardi en Guinée, les médias ont respecté le
mot d'ordre de "journée sans presse" en mémoire de ce journaliste tué
dans des heurts politiques.
Ce refus de publier et d'émettre observé
par les organes publics et privés, sans précédent dans le pays, fait suite à un
appel commun de cinq associations de la presse, qui ont demandé à "tous
les médias guinéens d'observer une journée sans presse" mardi jusqu'à
22h00 pour le journaliste défunt.
El Hadj Mohamed Diallo, collaborateur des
médias privés Guinée7 et L'Indépendant, a été blessé par balle le 5 février
dans des heurts entre partisans de responsables rivaux de l'Union des forces
démocratiques de Guinée (UFDG, opposition). Il a succombé à ses blessures à
l'hôpital.
Selon un journaliste de l'AFP, la même
image était visible mardi sur les pages d'accueil des sites d'information et à
l'écran des diverses chaînes de télévision du pays : une photo de Diallo
souriant, sur fond noir, au-dessus d'un texte sur quatre lignes, "Mardi 9
février 2016. Journée sans presse en Guinée. Justice pour El Hadj Mohamed
Diallo".
Sur les radios locales, les programmes
habituels avaient cédé la place au silence total ou à de la musique apaisante
en continu. Les rayons des kiosques à journaux étaient vides.
De mémoire de Guinéen, c'est la première
fois que la presse locale dans son ensemble respecte un tel mot d'ordre.
"Cette journée est très significative
pour l'ensemble des médias guinéens qui se sont sacrifiés, renonçant à beaucoup
d'avantages pour l'organiser. Nous espérons qu'elle va attirer l'attention des
autorités guinéennes sur les conditions de travail des journalistes dans ce pays
depuis un certain temps", a déclaré à l'AFP Nouhou Baldé, administrateur
du site Guinée-Matin, un des plus consultés.
En participant au mouvement, selon lui, il
entendait également "protester contre les violences contre les
journalistes en général".
"A plusieurs reprises, j'ai eu des
journalistes de ma rédaction bastonnés par les forces de l'ordre dans
l'exercice de leur fonction", violences ayant occasionné la destruction de
matériel, sans sanctions ni dédommagements, a précisé M. Baldé.
Une information judiciaire "contre X
pour homicide volontaire" a été ouverte peu après le décès d'El Hadj
Mohamed Diallo. Lundi, les journalistes ont marché à Conakry pour réclamer des
poursuites contres les auteurs de sa mort. Le ministre guinéen de la Justice Cheick
Sako leur a assuré que "ce crime ne restera pas impuni".
Les cinq associations ayant lancé le mot
d'ordre de "journée sans presse" se sont par ailleurs constituées
partie civile dans le dossier : l'Union des radiodiffusions et télévisions
libres de Guinée (Urtelgui), l'Union de la presse libre de Guinée (UPLG),
l'Association guinéenne des éditeurs de la presse indépendante (Agepi),
l'Association guinéenne de la presse en ligne (Aguipel) et le Réseau des médias
sur Internet en Guinée (Remigui).
Mardi, l'organisation Reporters sans
frontières (RSF) s'est déclarée "profondément choquée par la mort de El
Hadj Mohamed Diallo". Elle "espère que l'enquête aboutira le plus
rapidement possible à déterminer les responsabilités" dans ce dossier,
selon la responsable de son bureau Afrique, Clea Kahn-Sriber.
La Fédération internationale des
journalistes (FIJ) a aussi demandé que rien ne soit laissé au hasard dans
l'enquête sur sa mort.
"Trop souvent, des journalistes sont
tués en Afrique, dans une impunité totale. Diallo a été tué dans le cadre de
son travail, et ceux qui en sont responsables doivent être traduits en
justice", a déclaré le président de la FIJ, Jim Boumelha, dans un
communiqué daté de lundi.
Source: AFP
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